Janvier 1873
Pendant tout l’hiver 1872, Courbet sent que sa santé se détériore. Il est atteint de rhumatisme et son foie ne cesse de grossir. Il est pris d’une anxiété qu’il a de la peine à décrire.
Il veut se rendre à Paris pour se défendre au sujet de la Colonne Vendôme. En effet, 23 députés de la majorité ont décidé de lui infliger à lui tout seul les frais de la reconstruction. Il veut aussi se rendre en Suisse. Il écrit à Castagnary, le 24 janvier 1873, et s’inquiète pour l’enlèvement de ses tableaux de la Rue Hautefeuille et du Vieux-Colombier. Ceux-ci devront être envoyer à Pontarlier chez M. Joliclerc, car de là il les fera transporter en Suisse lorsqu’il aura loué un logement.
(PTDC p. 422 / 73-59).
Mars 1873
19 mars 1873, Courbet écrit qu’il ne faut pas avoir peur, pour écraser l’infâme. Il a pour lui toutes les démocraties, tous les peintres étrangers, les Suisses, les Allemands. Il ne veut plus pendant sa vie exposer en France. Il poursuit en écrivant que l’exposition de Vienne a été la chose la plus heureuse de sa vie et la plus sympathique pour lui. Il est l’ami avec tous ces peuples-là; il a les mêmes moeurs qu’eux. Il continue en proclamant au sujet de la France, qu’il n’en a jamais été !
Ces natures françaises lui déplaisent ! Il est difficile pour lui de quitter son pays natal, mais s’il était en décentralisation, il habiterait fort peu la France.
(PTDC p. 436 / Lettre à Jules Castagnary / 19 mars 1873 / 73.23).
Il autorise M. Legrand à déménager ses tableaux entièrement de ses deux logements, de la Rue Hautefeuille et de la Rue du Vieux-Colombier. Il accorde aussi le droit à M. Duval à réclamer à son beau-frère Reverdy, les clefs de ces logements et de les conserver à son étude, afin de pouvoir déménager sous le couvert de l’exposition de Vienne tous ses tableaux à lui et anciens, précise-t-il. (PTDC p. 437 31 mars 1873 73-25).
Mai 1873
Le 18 mai 1873, Courbet écrit qu’il travaille aux commandes faites. Quand il les aura finies, il sera obligé d’aller encore à Genève et à Neuchâtel faire les paysages qui lui sont commandés, avant qu’il se rende à Vienne. (PTDC p 440 73-30 18 mai 1873).
Juin 1873
C’est à sa soeur Zoé Reverdy qu’il envoie ce message dans lequel il écrit que dans quelques jours, il indiquera à M. Durand-Ruel qu’il devra envoyer en Suisse ses tableaux qui sont en Belgique, à Londres et à Vienne sans passer par la France. (PTDC p . 73-32 Ornans 15 juin 1873).
Dans la seconde moitié du mois de juin, il contacte son autre soeur Zélie pour lui indiquer qu’il a renoncé à aller en Suisse, puisque qu’il n’est pas sorti sous la Commune et qu’il ne voit pas pourquoi il s’en irait maintenant. Il a un tas d’affaires qui le tuent et qui n’en finissent pas.
(PTDC p 443 73-34 / Ornans, juin 1873).
Juillet 1873
va partir pour la Suisse par Pontarlier. Il tâchera de passe par Flagey. Si il n’a pas le temps, il ira tout droit chez le docteur Gindre et les Pillot le conduiront en Suisse, pas loin depuis Salins ou Pontarlier. Il y a une ou deux heures de chemin de fer.
(PTDC p. 446 73-37 Ornans, juillet 1873).
Il partira le mercredi 23 juillet, car son procès s’ouvre le lendemain.
(PTDC p. 448 73-39 A Charles Blondon, dimanche 20 juillet 1873).
A sa soeur Lydie, il écrit que le moment du départ est arrivé. Les tribulations s’avancent et vont finir par l’exil. Si le Tribunal, comme tout le fait croire, le condamne à 250 000 F, c’est une manière d’en finir avec lui. Il s’agit maintenant de sortir adroitement de France, car, d’après la condamnation, c’est 5 ans de prison ou trente d’ans d’exil s’il ne paie pas. Dans ce cas, ils iront, M. Ordinaire et Courbet, partir pour la Vrine et ils seront mercredi à 5 heures de l’après-midi. Ils comptent sur Lydie (ou Joliclerc, ou le Docteur Blondin ou M. Pillod) pour venir les chercher avec une voiture fermée et les transporter d’un seul trait aux Verrières, où ils dîneront. Courbet insiste pour un secret absolu. (PTDC p. 448 73-40 Dimanche 20 juillet 1873).
A ses soeurs Juliette et Zélie, Courbet précise ses intentions qu’il ira les voir en partant pour la Suisse et qu’il y sera dans un Eldorado comme disait Max Buchon. Il n’y aura pas beaucoup de distance pour venir le voir et ce sera une distraction. Son père l’y pousse. Il dit qu’il y tient et qu’il n’a jamais vu la Suisse. (PTDC p. 449 73-41 Dimanche 20 juillet 1873).
Gustave Courbet écrit à Jules Castagnary et d’une main d’orfèvre, il pose la dernière pierre de son évasion en évoquant qu’il souffre d’une maladie du foie et d’un commencement d’hydropisie et qu’il part pour les eaux de Vichy, d’où il lui écrira tout de suite.
(PTDC p 450 73-42 Massières, lundi 21 juillet 1873).
Comme cette dernière lettre devait être lue par Maître Lachaud, il parle d’une cure thermale. Castagnary a sûrement été au courant de cette ruse. Il est évident que son point de chute va être Saillon-les-Bains en Valais où il va passer la fin de l’été seul à l’abri des curieux et se refaire une santé.
« Nous sommes heureux comme dans un Paradis, affirme-t-il à ses parents, et en parfaite sécurité. » Il erra, d’abord, pourtant à l’aventure, en quête d’une demeure tranquille. On le vit aux Verrières, à Fleurier, dans le Val de Travers, comme jadis Jean-Jacques Rousseau, ä Lausanne et à Fribourg. Enfin, il se décide à rester sur les bords du Lac de Genève (sic Léman), à Vevey.
Mais cette ville, un peu internationale pourtant, ne lui fut tout d’abord pas favorable, excitée, sans doute, par Jomini, agent secret du gouvernement français. Le maître trouva enfin un refuge calme et pittoresque aux portes mêmes de Vevey, à La Tour de Peilz.
(p. 351 Riat)